La compagnie « C’est pas du jeu » reprend 5 pièces courtes de Jean Tardieu au Lucernaire du 3 septembre au 5 novembre 2014
De » Finissez vos phrases » à » Un mot pour un autre « , la compagnie C’est pas du jeu reprend 5 pièces courtes de Jean Tardieu.
Dans un mise en scène aux multiples facettes où les comédiens changent de costume en un claquement de doigts et les décors tour à tour détournés se transforment à vue, l’absurde est joliment mis en lumière, la comédie du langage honorée. Un rythme aussi virevoltant que les mots du virtuose
De quoi parlez-vous ? : 5 pièces courtes comiques
« Finissez vos phrases »
c’est la pièce d’ouverture du spectacle : elle ne dure que quelques minutes et permet de plonger directement le spectateur dans le vif du sujet : le langage. Finissez vos phrases montre que l’absence des fins de phrases dans un dialogue ordinaire n’est pas un obstacle à la compréhension générale. Mieux : elle peut même laisser le spectateur imaginer l’histoire d’amour qui existe entre l’homme et la femme.
« Oswald et Zénaïde »
Cette petite pièce a pour objet d’établir un contraste comique entre la pauvreté des répliques échangées « à haute voix » et l’abondance des « apartés ». Oswald et Zénaïde parodie des aveux impossibles, où la parole est empêchée par égard pour l’autre. En effet, les deux amoureux redoutent de s’annoncer mutuellement que leurs parents s’opposent à leur mariage.
« De quoi s’agit-il ? »
Monsieur et Madame Poutre se rendent au tribunal pour porter plainte contre « lui » et en sa faveur. Le couple est incapable de déterminer la fonction du juge, l’appelant « mon père » ou « Monsieur le proviseur… ». Leur acharnement à transformer son identité finit par contaminer le magistrat qui, troublé, dérape et perd pied. Entre incompréhension, colère et résignation, la communication tourne en rond à force de malentendus sur l’objet du litige au sein du couple.
« Le guichet »
L’administration, figée et angoissante, devient, dans l’espace d’un bureau de gare, un lieu écrasant et oppressant. À la froideur des employés s’opposent l’incohérence et la fragilité d’un client qui rate son entrée, hésite sur sa destination, se montre incapable de donner son nom ou son âge. Chacun à sa manière est responsable du drame en train de se jouer : l’un par timidité et manque de précision, l’autre par manque d’humanité. L’impossibilité de se comprendre, donc de communiquer, tourne ici au cauchemar voire au vertige fatal pour le client.
« Un mot pour un autre »
Vers l’année 1900, une curieuse épidémie s’abat sur la population des villes. Les misérables atteints de ce mal prennent soudain les mots les uns pour les autres. Les conversations paraissent alors dénuées de sens, mais les malades ne semblent pas s’apercevoir de cette anomalie et continuent de se comprendre parfaitement.
Et si les mots ne jouaient qu’un rôle secondaire ou n’étaient qu’un habillage des intentions profondes ?
Le mot de la metteur en scène
De quoi parlez-vous ? est un spectacle composé de cinq pièces courtes de Jean Tardieu :
Finissez vos phrases, Oswald et Zénaïde, De quoi s’agit-il ?, Le guichet et Un mot pour un autre.
Au cœur de ces cinq pièces, un même personnage principal : le langage. C’est d’ailleurs l’un des sujets de prédilection de l’auteur. Magicien de la langue, Jean Tardieu s’amuse et fait virevolter les mots, les détournant de leur sens initial ou les remplaçant par d’autres. Il invente un nouveau langage et multiplie les questions : qu’est-ce que parler veut dire ? Le sens d’une pensée peut-il être saisi à l’aide de gestes ou d’intonations seuls ? Où s’arrêtent les frontières de la parole ? Les limites de la communication ?
Le style inimitable de Tardieu m’a conquise dès la première lecture. Décalés, loufoques, surprenants, terrifiants parfois, ses textes allient toujours dérision et poésie. C’est cette alliance singulière que je souhaite donner à voir dans une ambiance qui évoque le monde de l’illusion et de la magie. Tels des transformistes, les comédiens changent de peau en un claquement de doigts, se faisant au besoin clowns ou mimes, avec un costume par personnage, comme s’il s’agissait d’une collection de haute couture. Ils changent également les décors entre chaque scène, sur des airs de musique classique revisité. Je voulais vraiment profiter de ces ces intermèdes pour prolonger la pièce courte à peine achevée et amorcer celle qui suit :
Je ne voulais pas de pause entre les scènes mais un spectacle complet sans interruption.
L’essentiel, à mon sens, vise à mettre en valeur l’ humour de ces textes... Laissons donc le mot de la fin à Jean Tardieu lui-même :
« C’est bon ! C’est bon ! Je croupis ! Je vous présente mes garnitures : je ne voudrais pas vous arrimer ! […] Ma douce patère, adieu et à ce soir.» (J. Tardieu, Un mot pour un autre, Gallimard, 1951).
Sophie Accard
Informations Pratiques:
Théâtre du Lucernaire
53 Rue Notre-Dame des Champs, 75006 Paris
3 sept au 8 Nov 2014
Du mardi au samedi à 20h
Le dimanche à 15h
Mais aussi …
Théâtre Manufacture des Abbesses
7 Rue Véron, 75018 Paris
Du 9 nov au 30 dec 2014
Date / Heure
Date(s) - 03/09/2014 - 05/09/2014
20.00. - 21.15.
Emplacement
Théatre du Lucernaire
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