Adaptation théâtrale d’ « Ubu Roi » par la compagnie des Dramaticules du 14 au 29 Novembre 2014 au théâtre de Châtillon
« Et il viendra de nouveaux jeunes gens qui nous trouveront bien arriérés et composeront, pour nous abominer, des ballades ; et il n’y a pas de raison que cela finisse. » Alfred Jarry, Questions de théâtre
Jarry n’a pas écrit une ligne d’Ubu roi. « Les Polonais », titre initial, a été écrit par Charles et Henri Morin, deux de ses camarades de lycée. Les quelques modifications apportées par Jarry sont insignifiantes. Et pourtant, en demandant aux frères Morin l’autorisation d’utiliser leur pièce pour faire une mystification à Paris en 1896, il écrit l’une des plus incroyables pages de l’histoire du théâtre. Jarry a rêvé son Ubu comme une claque à tous les académismes, à tous les conservateurs et à tous les mondains. En orchestrant les soirées des 9 et 10 décembre 1896 au Théâtre de l’Œuvre, il redéfinit tous les fondamentaux du théâtre : dramaturgie, convention, interprétation, lumière, décor…
Si l’on juge la pièce d’un point de vue strictement littéraire – ce que l’on aurait tort de faire -, Ubu roi est une œuvre bien pauvre. Peu d’esprit, peu de poésie, peu de philosophie… Mais on ne peut pas séparer la pièce de l’histoire de la pièce – pas de l’intrigue de la pièce, mais de son histoire -, celle d’un jeune homme de 23 ans qui a décidé d’opérer une rénovation du théâtre par le théâtre. Jarry orchestre la destruction de toutes les scléroses, de tous les académismes, de la mauvaise tradition qui empêche le théâtre – et le reste ! – de s’affranchir des conventions dont la jeunesse est saturée.
Ubu Roi accompagne mon parcours de metteur en scène depuis la création de la Compagnie des Dramaticules. Artaud et Jarry sont les figures auxquelles je me réfère le plus régulièrement. Pas un de mes projets sans que leur sens de l’artisanat, leur violence dans l’humour, leur lucidité dans le chaos ne soient convoqués. Les destructeurs, les transgresseurs, les affreux imposteurs ont toujours animé mes spectacles. Ce sont les meilleurs personnages. Ceux qui, éternellement, nous permettent de mesurer nos pulsions, nos fantasmes et nos frustrations, ceux qui interrogent la théâtralité par leur seule présence sur la scène. Et puis, la question de la théâtralité est pour moi hautement politique puisqu’elle détermine l’ambition et le degré d’engagement des artistes sur le plateau.
Mon Ubu est un projet de jeu. Pas de sacralisation du texte, mise en abîme permanente de la représentation, remise en question de la place du spectateur, interpolations, citations et critiques : la pièce est mise en pièces. La scénographie est au service des acteurs. Pas de grosse structure ; des tables, un écran vidéo, un cheval… Il s’agit pour les protagonistes de jouer, vociférer et lutter jusqu’à épuisement. La lumière et la vidéo prennent en charge la structuration de l’espace et le séquençage narratif. Les entrées et sorties des acteurs se font à vue, les coulisses faisant partie intégrante du terrain de jeu. Sur le plateau, les artifices théâtraux sont revendiqués comme accessoires et comme signes : projecteurs et caméras utilisés comme éléments scénographiques, chaises et bancs pour les acteurs qui ne sont pas en jeu, portants pour les costumes, micros sur pied, couronnes, armures, revolvers…
Dans notre Ubu, les tableaux ne se suivent pas, ils se percutent et se contestent sur le mode emphatique, ironique et critique. La pièce parle d’abus de pouvoir, d’abus d’arbitraire, d’abus de violence… Sur scène, les abus prendront leur source dans le rapport délétère entre des acteurs travaillant la pièce ; l’histoire d’une troupe jouant Ubu roi et se déchirant en jouant Ubu roi. C’est une mise en crise obstinée de la représentation à laquelle nous avons à faire. Et dans cette entreprise de démolition, Jarry ne demande qu’à être brutalisé.
Jérémie Le Louët (Adaptation et mise en scène).
Information Pratiques:
Théâtre de Châtillon
3, rue Sadi Carnot
92320 Châtillon
Tel: 01 55 48 06 90
Billetterie@theatreachatillon.com
http://www.theatreachatillon.com
Du 14 au 29 novembre 2014
Lundi, mardi, jeudi, vendredi et samedi à 20h30, dimanche à 15h30
Relâche les 16, 19 et 26 novembre
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